29 décembre 2016 4 29 /12 /décembre /2016 14:57
Les mains du miracle

"La Feuillade, lundi

Chers amis,

Mes invités de la première heure viennent de partir... J'ai obtenu 3 tickets donnant droit à 30 litres d'essence - Rien ne vous empêche plus de partir et Claude dans sa carte me dit qu'il pense rentrer vers le 20.

J'attends un mot de vous me fixant l'heure de votre arrivée.

A bientôt le plaisir de vous revoir.

Bien affectueusement,

Maguy"

C'est le texte d'un petit billet gris pâle daté du 14 août 1946, et adressé à mes grands-parents paternels. Ce billet était affranchi avec un timbre à 3 francs, des anciens francs bien sûr. Donc 3 centimes de francs, soit un demi centime d'euro.

La Marianne du timbre de 1946 est moins stylisée que celles de 2016, mais elle a toujours la même mine rouge. En ce temps-là, on se donnait rendez-vous par courrier papier, plusieurs jours à l'avance. Je sais que cette Maguy était une amie de la famille des parents de ma mère, et qu'elle avait une belle maison - La Feuillade - dans la campagne proche d'Orléans. Ville où habitait ma mère avant son mariage. L'allusion aux tickets de rationnement m'a étonnée, je croyais qu'ils n'étaient plus en usage après la guerre.

Le billet a mis 5 jours pour faire le trajet de Saint-Jean-De-Braye à Versailles. Puis plus de 69 ans pour atterrir sous mes yeux, lorsque j'ai ouvert un livre emprunté chez ma sœur Michèle la semaine dernière. Les tournants de la vie nous ouvrent souvent les yeux sur de petits signes. J'étais à Versailles pour enterrer notre père, grand-père, ami, allié, ce que nous fîmes d'une façon qui lui aurait surement plu.

Le livre dans lequel se trouvait le billet était Les Mains du miracle. Que je dévorai en deux temps trois mouvements (le livre, pas les mains ni le billet), et que je viens de terminer dans mon Paris-Pointe-à-Pitre. C'est écrit, mes lectures dans l'avion du retour ont souvent un goût de coïncidence.

Les Mains du miracle ont été écrites par Henri Troyat à Versailles en 1959 - ma ville et mon année de naissance - puis publiées chez Gallimard en 1960. Il s'agit d'un récit documentaire qui se déroule pendant la deuxième guerre mondiale. Mais on jurerait un roman, il a tous les ingrédients pour vous tenir en haleine et le cœur battant jusqu'à la dernière page. Les protagonistes en sont Himmler - le tristement fameux n-1 d'Hitler - et Félix Kersten. Cet heureux Félix, natif de la vieille Russie, en soignant Himmler cinq années durant, a fait des miracles.

Juste croyez-moi. Et pour en savoir plus, courez telle une amazone (.fr) vers la librairie la plus proche.

Post-scriptum de Frédéric Begbeider, qui m'a également tenu compagnie sur l'Air France 767 :

"Ma vie est nettement plus intéressante depuis [...] que je côtoie des gens qui vivent pour pouvoir lire, et lisent pour pouvoir écrire, et écrivent pour pouvoir vivre".

Conversations d'un enfant du siècle, 2015. Editions Le Livre de Poche - 7,90 €.

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