2 février 2008 6 02 /02 /février /2008 16:08

La Guyane c'est très grand, mais les surfaces dédiées aux cultures sont assez restreintes, avec des conditions détestables : le climat favorise les maladies des plantes, et les sols sont très peu fertiles. Pas drôle. Alors bonjour le prix des fruits et légumes au marché.

Mais parlons des systèmes de culture.

La monoculture intensive de riz, sur quelques milliers d'hectares, ne concerne que quelques producteurs, et est dédiée à l'exportation. Ca se passe dans l'Est, du côté de Mana (là ou les tortues-luth viennent pondre).

Les systèmes maraîchers et vivriers intensifs, pratiqués par les Hmongs à Cacao/Régina (à l'intérieur dans l'Est) et à Ja-vouey (dans l'Ouest). Les Hmongs sont des réfugiés du Laos, à qui des terres ont été données dans les annés 70. Ils ont su travailler dur et produire de façon assez intensive, c'est-à-dire en utilisant beaucoup de pesticides et d'engrais. Gros problèmes donc de santé et d'environnement. Mais ces familles ont des revenus relativement importants en vendant leurs produits sur les marchés de Cayenne et de Saint-Laurent du Maroni.

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Cultivateurs Hmongs à Javouey

Les systèmes de culture sur abattis. 
De quoi diable s'agit-il ? 
Depuis 4 siècles, une tradition perdure dans les zones de lisières forestières, aussi appelées fronts pionniers. Il s’agit de couper la forêt sur une surface de l’ordre d’un hectare, de laisser sécher jusqu’en fin de saison sèche (décembre), puis de mettre le feu. Est ensuite pratiquée la culture dite sur brûlis : manioc principalement, mais aussi du maïs, des patates douces, un peu d’ignames, de bananiers, d’ananas… Traditionnellement, ces agriculteurs construisent un habitat sommaire sur la zone défrichée, qu’ils exploitent pendant environ 3 ans avant d’aller défricher plus loin, le sol ayant perdu sa fertilité. Les arbres coupés ne sont quasiment pas exploités, du fait de la difficulté de trier les essences et organiser leur transport. En gérant les rotations, en revenant sur les mêmes parcelles 10 ou 15 ans plus tard, il est possible d'avoir un système durable. Mais les conditions de travail sont très pénibles : imaginez-vous couper la forêt avec une simple tronçonneuse, y mettre le feu, déblayer, installer votre cabane sur place pour y vivre. Ces systèmes se rencontrent dans l'Ouest le long du fleuve Maroni, et sur le littoral. Les producteurs sont des Bushi Nengue (noirs descendants d'esclaves), des Amérindiens, des Haïtiens, et depuis 1986 des réfugiés du Surinam. Ce système très particulier concerne près de 70% des cultivateurs de Guyane.


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Abris de cultivateurs sur abattis

Et le manioc dans tout ça ? Le manioc est la plante traditionnellement la plus consommée en Guyane (et en Amazonie en général), sous une forme transformée, le kwac. Le kwac est une farine de manioc pré-cuite, qui se conserve facilement et longtemps, et qui est utilisée telle quelle pour accompagner tous les plats en sauce. La fabrication traditionnelle de kwac étant laborieuse et pénible (fumées, vapeurs d’acide cyanhydrique), une unité collective a été installée à Bellevue, un village Amérindien. La platine traditionnelle co-existe avec un mélangeur-cuiseur automatique. Le processus est assez élaboré : on épluche, broie, presse (et recueille "l’eau de manioc", utilisée comme insecticide contre la fourmi-manioc), tamise, puis enfin on cuit sur la platine. A Sinnamary, la famille Bureau prépare le kwac de façon traditionnelle.

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C'est mercredi, les petits enfants s’activent au pressage...

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le tonton tamise...


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et la grand-mère est à la platine.

Ce jour-là, la famille faisait un essai pour produire une innovation : un kwac au curry. 


Voilà, le tour d'horizon sur l'agriculture guyanaise est terminé (je vous ai épargné les sytèmes d'élevage). Ca fait une riche palette de pratiques et de populations non ?

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