3F forged // Alu 7075. Modèle 2009. Bleu métallisé et blanc. Une carosserie d'enfer, une souplesse sur les bosses. Presque une histoire sensuelle entre lui et moi. Ce n'est pas rien, tous les dimanches matin depuis deux ans tout juste, il m'accompagne au coeur des plus beaux paysages de Petit-bourg, Goyave, et autres Sainte-Rose. Je me sens comme Mary Poppins, le parapluie en moins, et les bleus en plus.
Au début, c'était l'amour vache. Pas un dimanche sans que je revienne avec un petit hématome par ci, un petit genou coincé par là. Puis nous avons appris à nous connaître, j'ai su donner le coup de cheville qui va bien pour me décrocher de lui en cas de gadin (c'est important de savoir se séparer), et régler finement la distance selle / pédale pour éviter le conflit rotulien. Je n'ai finalement pas eu besoin de m'adresser à SOS femmes battues.
Comment vous conter certains moments d'ivresse, en forêt avec les copains du dimanche, partageant la même addiction ? La giclée d'adrénaline au moment de décider si oui ou non on tente de franchir un arbre (arbuste, soyons modestes) couché. Le coup au coeur quand on commence à déraper dans un dévers argileux. Le palpitant qui s'emballe sévèrement dans l'abominable montée de Juston. L'esbaudissement partagé (oh la la, regardez un peu si c'est beau) quand on est suspendu dans le payasage, entre mer, ciel et montagne.
J'ai fait mes statistiques : 85 sorties en 2 ans, soit une moyenne de 0.79 sortie par semaine. Une seule crevaison. Je n'ai pas compté les chutes, mais je dirais environ une soixantaine. Dont une probablement assez spectaculaire (je ne peux jurer de rien, j'étais seule) : un soleil sur le chemin dit des Cocotiers. Lui et moi volâmes de concert, la roue avant s'étant mystérieusement bloquée en pleine vitesse. Nous avons fait un très bel aterrissage d'urgence, encastrés l'un dans l'autre (je vous le dis, c'est passionnel entre lui et moi). C'est là que j'ai saisi les subtilités de l'expression "numéroter ses abattis". Qui avaient finalement à peu près gardé leur intégrité.
Je tiens à remercier toute l'équipe, sans qui tout ceci n'aurait pu voir le jour, comme aux Oscars. Alain pour faire le VTT-balai, l'assistance technique, et les encouragement sincères (mais oui). Laurette, la fêlée des descentes sur route, qui a toujours un truc à me raconter en pédalant. Philippe, qui pense que j'ai un intestin à la place de la colonne vertébrale, et qui refait le monde même dans les situations les plus scabreuses. François, qui mouline à mort et qui nous sèche dans les montées. Ben, perché tout-la-haut sur sa selle, ça passe ou ça casse. Patrick l'infidèle, qui fait mainteant du golf. Bébé et Lolo qui nous snobent depuis qu'elle ont fait Lima-Ushuaïa en vélo. Et Rony, notre petit dernier, à peine sorti du berceau.
Voilà, ma confession est terminée. Cycle amen.