Je ne suis pas sexiste, d'ailleurs je connais quelques femmes.
Rendez-vous était pris de bon matin, place de l'Hôtel de Ville. Temps radieux. Syndicalistes arborant de belles couleurs. Après les discours d'usage, il est temps de défiler !
Des tee-shirts aux couleurs syndicales, soit, mais chacun peut y mettre sa touche. Pour mon plus grand bonheur, le wax est là.
J'essaie de me recentrer sur le sujet du jour, les retraites et tout le reste. Tout a été dit ou presque. Attendons que le gouvernement expose son plan innacceptable, puis manifestons à nouveau.
En allant faire un tour sur wikipedia, je suis tombée sur la liste des grandes manifs depuis la Révolution française (elle était maousse celle-là). Avec nombres de participants et résultats obtenus. En moyenne, ça peut marcher de descendre dans la rue.
Nous (1 000 ? 2 000 ? personnes) avançons sous le soleil exactement, et dans la plus grande décontraction.
Le défilé passe rue Frébault, une des rues les plus commerçantes. Alors je me suis un peu déconcentrée.
Là où on est contents de ne pas être dans une grande ville, c'est que la présence policière est, comment dire, réduite. Mes deux sbirettes ont tant bien que mal réussi à dénombrer 6 représentants de la force de l'ordre.
Mes amis, je suis épuisée.
Je sais pouvoir compter sur votre discrétion sur ce qui s'est produit la nuit dernière. Nous étions 16 en tout. Des hommes et des femmes âgés de 24 à 59 ans, tous magnifiques et pleins d'entrain.
Le dress-code était latex noir, et masque.
Après plus d'une heure de préliminaires, les éjaculations se sont produites à un rythme tout bonnement incroyable. Nous nagions littéralement dans les spermatozoïdes. A la belle étoile en plus, c'était merveilleux. Même la voie était lactée, et nous étions presque sans voix devant une telle communion sexuelle.
En plus de la combinaison noire et du masque, nous avions chacun dans la bouche un tuba, afin de pouvoir respirer sous la mer. Le trajet depuis l'Anse Caraïbe jusqu'aux îlets Pigeon se fit comme dans un rêve. Zodiac silencieux et stable, mer d'huile, nous filions à toute berzingue dans la nuit noire.
Immersion dans deux ou trois mètres d'eau, plus tiède tu bous (29 degrés au doigt mouillé). Lueur bleutée et rassurante de la lampe de notre groupe de 4. Nous nageons dans le noir sans peur aucune. Nous savons que ce soir c'est le jour de ponte, synchronisée, d'une certaine espèce de coraux. Petites apnées tranquilles, les poissons et drôles d'animalcules nous font risette. Pas de pontes de coraux mais quelle importance ?
Une heure et sa moitié sont passées sans qu'on s'en rende vraiment compte. Et une voix nous appelle alors "Venez vite, ils pondent !".
Quelques coups de palmes pour rejoindre l'autre groupe. Tout le monde frétille dans une eau saturée de millions de petites particules sphériques, blanches, de 2 ou 3 millimètres de diamètre. Avec aussi d'autres particules très énervées, plus allongées, sans doute du zooplanctoon venu faire un festin de ces petits oeufs de corail.
Enfin pas encore des oeufs. Pour le moment, des gamètes mâles et femelles, tous largués en même temps à la surface du corail. Nous fantasmons et imaginons qu'au bout de quelques minutes, des milliers de fécondations se seront produites, et que les bébés vont doucement retomber sur le corail ou ailleurs, pour augmenter la colonie.
Ce qui est fou, c'est que les savants arrivent à connaître quel jour de l'année et à quelle heure chaque espèce de corail va pondre.
La lune et la marée expliquent une part du mystère.
J'avoue, j'en ai avalé.
Dimanche matin, je n'ai croisé ni le roi ni l'empereur et encore moins le petit prince.
J'ai par contre croisé sur la route de la Lézarde un monsieur à fière allure. Jolie chemise à carreaux, pantalon de toile, et une improbable cravate dans les tons de jaune. Il portait à la main un joli rameau.
Comme j'étais en voiture et lui à pied, l'apparition fut brève, et mon cerveau me fit un retour d'information rapide : "Ce monsieur va sans doute rendre visite à une personne chère à son coeur". Et j'en fus toute émue.
Quelques secondes plus tard, toujours le même cerveau (il faudrait savoir tout de même) répliqua en un éclair : "Mais non ! Le rameau dans sa main est un Cycas, justement le rameau que les catholiques pratiquants utilisent à la place des rameaux de buis, vu que le buis que nenni par ici. Alors ce monsieur va tout simplement à la messe". Et je fus toute réjouie de voir la gentillesse et la simplicité sur le visage de cette homme.
Comme c'était le dimanche des Rameaux, tout cela était cohérent et je crus mon cerveau numéro 2.
Je pars m'aérer. Comme souvent, à Viard. Pas loin, la mer, la mangrove, le vent, les oiseaux. Pfff une voiture est arrêtée au beau mitan de la petite route. C'est que je n'ai pas que ça à faire moi !
Elle repart, et je jette un oeil là où elle était arrêtée, au niveau d'une petite ravine. Un peu cracra mais bien sympa avec ses zones humides et ses pâtures à l'arrière plan.
Hein que vois-je ?
Une, non deux tortues de terre, prenant le soleil de fin d'après-midi sur la petite berge argileuse. Je pourrais faire une photo mais je préfère juste garder l'image dans la tête. Au final, je sors à toute vitesse mon carnet à dessin pour croquer vite fait au crayon papier les deux molokoïs.
Je repars (c'est que je n'ai pas que ça à faire : j'ai prévu de marcher sur la plage). Mais je n'y tiens pas et fais demi-tour. L'image était trop belle, et je décide de me lancer dans une aquarelle complète : au fond un bel arbre, dans l'axe une vache rousse et un vache blanche, et juste en dessous, les tortues qui sont maintenant au nombre de trois.
Une femme passe et je lui fais signe de regarder. Elle s'extasie. Pour un autre animal que je n'avais pas vu, un petit héron vert, autrement appelé kio. Chacune voit midi à sa porte. Nous sommes ravies toutes les deux.
Finalement, je n'avais que ça à faire.
Certaines journées apportent leurs lots de petits bonheurs.
Tout avait commencé avec Mademoiselle M, qui souhaitait aller passer en ma compagnie de l'eau et des pigments sur des feuilles de papier. Plaisir simple du barbouillage.
Une mise en condition s'imposait, avec trempage des corps dans l'eau chaude de la ravine Thomas. Se faire griller les petons sur une roche brulante contribua en partie à notre bonheur.
Après avoir bifurqué sciemment sur une route inconnue en direction du centre Selbonne, nous nous aventurâmes (et conscience) dans des chemins mal pavés, pentus, mais très bien famés : de belles petites cases modestes, comme on les aime. Quand soudain ! Un fromager nous fit signe de nous arrêter. Ce que nous fîmes derechef, n'écoutant que notre bon plaisir.
Le bougre ne manquait pas de piquants.
Ni de perspective.
Nous posâmes donc nos deux augustes popotins à l'ombre du fromager, le regarder fixé sur la ligne bleue des Vosges Mamelles. Ou autres monts, je ne suis pas très sure.
Petite digression tant que j'ai le micro. Etonnante cette roche. La pierre angulaire ? Quoi qu'il en soit, mademoiselle M et moi sortîmes notre attirail de parfaites peintres du mardi. Comme d'habitude, nous pestâmes contre le paysage qui change tout le temps de couleurs, contre la petit pluie qui nous interrompt au mauvais moment, et contre les fourmis dans les jambes.
Et pour couronner le tout, nous nous sommes tapées un Magnum double caramel en redescendant, attablées face aux îlets Pigeon. Fromager dessert !
Hier soir j'ai fait un truc pour la première fois. Sortie de la zone de confort. Sparring au kick-boxing. Il s'agit de se battre vraiment, même si le costaud en face de vous adapte ses coups et évite de faire mal aux petites choses telles que moi.
Hé bien un bon petit coup d'adrénaline ne fait pas de mal. Ni bleu ni bosse en tous cas. Merci à Guillaume, Samuel et Christophe de n'avoir pas ménagé leur peine. Et à Christine, Xavier et Stéphane de nous avoir coachés.
Les photos datent en fait de l'été dernier, avec les petits combats de fin d'année au club.
Pendant que c'est encore frais dans ma mémoire, mais après quelques jours de décantation.
Un post c'est comme du vin, il faut le laisser s'aérer avant de le servir.
Troisième alerte cyclonique en moins de trois semaines, on croit rêver. A priori rien de méchant mais trajectoire prévue sur Petit-Bourg. Bon ça c'était avant : au final ce sera la catégorie 5, et il passera un peu plus au sud, en plein milieu de la Dominique, puis juste au ras des Saintes.
On quitte le boulot à midi, histoire d'aller ranger et barricader ce qui doit l'être. Toujours cette sorte d'exaltation quand on sent que la nature va sortir de ses gonds. Petit dîner en famille, c'est la tradition !
Puis je rejoins ma case, et ferme pour une fois à triple tour. Il n'y a pas de fenêtres, juste des volets de bois ce qui est bien pratique.
Je tombe de sommeil et m'endors malgré le vent qui commence à bien souffler.
Sur le coup de minuit, je suis réveillée par un grand bruit. Une branche qui est tombée sur le toit ? Je ne sais pas. Ça devient sérieux, le vent ne fait que monter jusqu'à deux heures du mat. Parfois de brèves accalmies et ça repart.
Merci whatsapp, je babille avec quelques copains. Rassure Valérie qui trouve que ça fait beaucoup de bruit. Dans la nuit, je me risque sur la terrasse, j'ai vraiment envie de voir. Je suis saisie par l'odeur. De végétaux hachés menu, qui jonchent la terrasses et les alentours. C'est très beau de voir les palmes des cocotiers se balancer de tous côtés.
Je me recouche. Je n'ai pas peur, j'ai confiance dans ma petite case. Au pire si le toit part, j'irai sous mon lit. La trouille peut-être quelques minutes quand même, au plus fort de l'ouragan. Je dirais vers deux heures et demie. Je crois que je finis par m'endormir vers 4 heures.
Au petit matin ça souffle encore bien, je sors, et tombe sur François. Nous partons en reconnaissance dans le jardin, casqués !
Un arbre a pain a chu sur le trampoline. Le bout d'un autre sur la voiture d'Anna sans causer de dommage. Deux avocatiers sont maintenant trèès penchés. Un cocotier bloque la sortie, ainsi que quelques arbres dans le chemin d'accès.
Le poteau électrique est presque par terre mais curieusement nous aurons toujours du courant. L'eau est coupée, mais elle revient dans l'après-midi.
C'est toujours alerte grise, donc seuls les secours sont autorisés à circuler. Nous allons malgré tout explorer un peu les environs. Beaucoup d'arbres et de poteaux électriques par terre, avec les fils qui vont avec.
Les routes sont très encombrées de débris végétaux. Je pousse en vélo voir les amis de Lamothe, ils s'ennuient. Nous faisons une petite balade en prenant garde à ne pas toucher les fils électriques...
Le vent faiblit, la pluie tombe, et nous passons la journée à tronçonner, déblayer, ramasser les avocats et prunes de cythère, débiter un coeur de palmier, nettoyer les terrasses, lessiver les murs incrustés de milliers de fragments de feuille. Une fois les murs lessivés, c'est moi qui le suis, et je tombe comme une masse à 8 heures du soir.
Le lendemain sera ponctué de nombreuses visites, les amis viennent prendre des douches, recharger leurs téléphones, faire un petit coup d'internet... et aussi manger avec nous. Au final peu de tracas pour nous. Le jardin est maintenant bien éclairci. Les maisons n'ont pas souffert.
C'est une autre histoire pour ceux des Saintes, du sud Basse-Terre et de la côte sous le vent. Et surtout pour les habitants de la Dominique.
Mardi en fin d'après-midi. Il ne faudrait pas mais je vais voir la mer. Tellement calme.
Un peu d'eau commence à tomber. Je rencontre un ami, nous sommes seuls sur cette plage. Il me montre les tarpons qui rôdent. L'un d'eux saute hors de l'eau.
Le niveau de la mer est haut. On m'a expliqué que c'est à cause de la pression atmosphérique qui est très basse pendant le cyclone. Alors la pression sur la mer est moins forte, et le niveau monte.
Les pélicans pêchent très près du bord. Il y a sans doute un tas de pisquettes.
Les petits crustacés, qui traînent sur les sargasses échouées, sautent dans l'eau de mon aquarelle.
Il est temps de partir. D'ailleurs les yen-yens me dévorent. Et des policiers viennent me dire gentiment que je dois rentrer chez moi. "On est en alerte rouge madame".
La nuit aura été peuplée de rêves étranges. Et d'insomnie car toujours pas un souffle de vent alors que nous sommes dans le cyclone. Je sens mon matelas faire un petit bond et puis plus rien. La terre a tremblé.
Au matin, je me plais au jeu des reflets, près de la rivière.
Et sans attendre, je retourne à la mer. Peu de vagues dans le Petit Cul-de-sac Marin, abrité par la Grande-Terre et les récifs.
Le trafic est toujours aussi intense sur cette bande qui sépare les éléments.
Les frégates sont les grapheuses du ciel.
On se serre les rémiges en attendant des jours meilleurs.
Je pense à ceux que le cyclone a frappés, tout près de nous vers le nord. Le soleil reviendra.
Incroyable.
A peine arrivée sur notre belle île, et alors même que les vents sont proches du zéro infini, l'impact est déjà abassourdissant.
Vous voyez cette route ? Quatre mois qu'elle était en travaux, quatre mois qu'on se tapait la déviation.
Eh bien aujourd'hui la voie est libre. Merci Irma !