Tableau de chasse à Orvilliers, avec Olllivier et le petit Arnaud.
Maman,
Te voilà libérée des contingences matérielles.
Il reste le spirituel, qui co-existait avec ton enveloppe charnelle.
Pour nous, presque rien ne va changer. Sauf qu'il n'y aura plus les moments pour se regarder, se toucher et partager les petits et grands rien de l'existence.
Non seulement ton esprit reste en nous, mais aussi celui de ceux qui t'ont précédée. Que nous avons connus directement, ou à travers ce que tu nous en a dit. L'histoire familiale se construit en continu, plus ou moins proche de la réalité, teintée d'une part de légende et de mythes. Nous interprétons notre vie, et nous la transmettons à nos enfants, nos frères et soeurs, nos nièces et neveux, nous cousins cousines.
A ce sujet des cousins cousines, c'est bien le seul reproche que je peux te faire Maman. Tu ne nous en a pas donnés, c'est un scandale. Fille unique quelle idée. Mais à la place tu nous a donné des presque cousins, les enfants de la bande d'amis de toujours. Ces faux cousins c'était les enfants Passardière : Brigitte, Ollivier, Arnaud, les enfants des Bas : Marie-Do, Jean-Philippe, Olivier (le petit Vivi, avec qui je m'enfermais dans les toilettes pour échanges de vue sur nos zizis respectifs), l'enfant Pélissier : Laurence, dont tu étais la marraine.
J'ai le coeur serré car je me rappelle tous les moments depuis la petite enfance. Tu étais une femme au foyer, quelle chance pour nous. Tous les midis nous déjeunions ensemble. Tous les soirs à 5h en rentrant de l'école, tu étais là quand je montais morte de soif boire l'eau à même le robinet du vieil évier en grès de la cuisine. Tous les week-ends et tous les mois de juillet, nous allions à Orvilliers, et retrouvions ces fameux amis et faux cousins. Tous les mois d'août, nous allions sur le Bassin d'Arcachon pour 30 jours de paradis.
Tu as été mon poteau mitan, grâce à toi je suis devenue plus forte, car je sentais que dans tes yeux nous étions les plus merveilleux des enfants. Sauf peut-être quand Fufu (mon furet, qui a vécu plusieurs années dans l'apartement) faisait caca partout dans la cuisine et que je ne nettoyais pas.
Je te trouvais extrêmement belle et féminine, élégante avec tes grands ongles toujours vernis, tes tenues simples, ton maquillage. Petite, j'utilisais tout ton attirail pour jouer à la dame, y compris les chaussures à talons. Tu ne m'en voulais pas, ça te faisait rire.
Vers la fin de ta vie, ton esprit s'effilochait et quand j'arrivais pour te voir, tu ne savait pas dire qui j'étais. Mais dès que je m'approchais de toi et te parlais, ton visage s'éclairait et tu disais : "Didi ? Ah oui, elle est formidable". Et tu savais au fond de toi qui j'étais.
A dan on dot soley Manman mwen, je t'aime.