Voici une aquerelle que j'ai faite l'été dernier sur l'Ilet Fajou, qui représente l'Etang Bois-Sec.
Au moment des faits, l'étang n'était pas sec, mais pendant le carême (janvier à mai), ça ressemble à, ça :
Alors pourquoi je vous parle de cet îlet Fjou, confetti de quelques dizaines d'hectares dans le Grand Cul-de-Sac Marin ?
Il faut savoir que cette zone est classée en Réserve de Bosphère par les Nations-Unies (ça veut dire que c'est très beau, rare et à protéger). Et comme sur cet îlet il y a une population de rats qui embête des populations animales BEAUCOUP plus nobles (tortues marines, râles gris) (mais bon c'est relatif, les rats sont quand même vachement intelligents), eh bien les gestionnaires d'espaces naturels et les scientifiques s'intéressent beaucoup à ces rats.
D'abord, il y a quelques années, ils ont essayé de les éradiquer. Ce fût un cirque assez extraodianire : pas moins de 20 personnes mobilisées pendants 30 jours, à disposer des pièges à rat partout dans l'îlet (sur la plage ça va, mais dans les zones de mangrove c'est moins drôle), à relever les pièges tous les jours (attraper le rat vivant dans le piège et lui tordre le cou), à les disséquer tous les soirs (ce n'est pas tous les jours qu'on peut disposer d'une population complète, autant faire tout un tas de mesures et de prélèvements qui vont servir à d'autres études)... Et tant qu'on y était, on a fait pareil avec les mangoustes, grandes prédatrices devant l'éternel. Bilan de l'affaire : près de 700 rats ourdis, et une quarantaine de mangoustes. Un an après, contrôle des bons et des méchants : les mangoustes, elles ont bien été éradiquées. Les rats, presque (ce qui veut dire que ça a raté, et la populations s'est doucement reconstituée). Les râles vont bien merci, leur population s'est bien développée depuis ces malheureux événements. Quant aux tortues marines, franc succès : leurs pontes étaient détruites à 100%, et depuis l'opération commando, les bébés tortues naissent à nouveau sans se faire gober tout cru par les mangoustes.
Et alors on ne mange plus d'omelettes nous ?
(Dessin de Jean Chevallier, tous droits réservés)
Quel rapport avec ma virée sur l'îlet cet été ? C'était pour accompagner mes amis ratators, qui poursuivent leurs investigations. La question était cette fois la suivante : quel est le régime alimentaire des rats, en quantité et en qualité (c'est bien beau de les accuser du pire, ils ne mangent finalement peut-être que quelques feuillages et coquillages ?). Mais comment diantre fait-on pour savoir ce que mange un rat sur l'îlet Fajou ?
- on le surveille à la jumelle et on note ce qu'il mange ? Non.
- on l'attrape et on regarde ce qu'il a dans dans le ventre ? Avant on faisait comme ça, mais c'était relativement compliqué car il fallait tout regarder au microscope et avoir des éléments de référence.
- on l'attrape, on prend ce qu'il a dans le ventre et on fait des analyses physico-chimiques dont je ne me rappelle plus le nom, et qui permettent de savoir les proportions des différents groupes animaux et végétaux consommés. Et pour ça, il faut avoir en même temps prélevé et capturé toutes les espèces animales et végétales potentiellement consommées par le rat sur l'îlet. Ce n'est guère plus simple que l'item du dessus, mais il paraît que c'est ce qui se fait de mieux. Le projet scientifique s'appelle "Aliens", d'autres équipes de par le vaste monde font le même genre d'étude sur d'autres espèces envahissantes.
Ma conclusion à moi : y faisait vachement beau ce jour-là, et petit à petit je retrouve mes marques en aquarelle.